« TCHÉKHOV À LA FOLIE » Des plaisanteries amoureuses pleines de poigne

Ces deux pièces en un acte, La demande en mariage et L’Ours, furent les deux premiers succès d’Anton Tchékhov qui lui permirent ensuite d’imposer ses œuvres avant-gardistes.

On est surpris de découvrir l’écrivain russe dans ce registre : ces deux courtes pièces que l’auteur qualifiait lui-même de « plaisanterie » sont poussées jusqu’à la farce par le metteur en scène Jean-Louis Benoît. L’absurde est au détour de chaque phrase.
Dans la première, une demande en mariage comme on n’en a jamais vue. Lomov a bien du mal à déclarer sa flamme à Nataia Stepanovna. Dans la seconde, un rustre propriétaire terrien venu demander le remboursement d’une dette est soudain subjugué par ce qu’il découvre comme son idéal féminin, à travers cette riche veuve en pleine dépression. Quelle stupéfaction que ce plaidoyer sur les femmes que ce Smirnov livre, finalement rustre qu’en apparence.

Le ressort de ces deux pièces tient à des retournements de situation très forts sans que la psychologie des personnages n’en soit laissée de coté pour autant. Derrière leurs « gros sabots », les êtres sont en quête de douceur. C’est ce qui en fait l’intérêt et augure de la suite de l’œuvre de l’auteur russe. « C’est très slave et très latin à la fois ! La gravité est là, tout est ouvertement et inexorablement grave, ce qui n’empêche jamais le rire de s’infiltrer partout » analyse le metteur en scène.

Tchekhov Victor Tonelli 1
Tchekhov Victor Tonelli 2
Tchekhov Victor Tonelli

© Victor Tonelli

Le décor, deux intérieurs de la province russe de la fin du XIXème siècle, est réaliste et sans ce folklore inutile dont on affuble parfois les mises en scène de textes russes. Le chant des oiseaux et les bruissements de la campagne ouvrent et ferment délicatement ces deux histoires, nous transportant dans ces contrées où la question de la propriété de la terre tient cheville au corps les êtres.

Les trois comédiens qui jouent les deux pièces sont épatants, forçant le trait de leurs personnages sans jamais surjouer. Manuel Le Lièvre passe du prétendant hypocondriaque au serviteur docile. Emelyne Bayart, l’héroïne du film Bécassine de Bruno Podalydès, est tour à tour une vieille fille de poigne (elle ne ménage rien sur le plateau, ni le mobilier qui vole, ni la gent masculine) et une veuve éplorée qui ne manque pas de caractère. Jean-Paul Farré, père de la mariée puis propriétaire terrien, joue avec tout ce qui fait son talent, lui qui se définit comme un « clown-comédien ».

Informations pratiques

Auteur(s)
Anton Tchékhov
Traduction de André Marowicz et Françoise Morvan

Mise en scène
Jean-Louis Benoît

Avec
Emeline Bayart, Jean-Paul Farré, Manuel Le Lievre

Dates
Jusqu’au 14 juillet 2019
Du mardi au samedi 19h, dimanche 17h30

Durée
1h20

Adresse
Théâtre de Poche
75, boulevard du Montparnasse
75006 Paris

Informations complémentaires
theatredepoche-montparnasse.com