« Le Temps et la chambre » de Botho Strauss, mise en scène Alain Françon au Théâtre national de la Colline.

Un article de Julie Lossec
Pièces de vie

 

Julius et Olaf scrutent par la fenêtre la rue en contrebas, quand passe une jeune fille qui porte une robe au-dessus du genou. C’est Marie Steuber. La sonnerie de la porte retentit peu après et elle entre dans la chambre. Puis arrive l’homme qui cherche sa montre, la femme impatiente, l’homme qui porte une femme endormie qu’il a sauvée d’un incendie… Les personnages de la pièce du dramaturge allemand Botho Strauss Le Temps et la chambre pénètrent dans ce lieu déconnecté du temps extérieur et assemblent, tel un patchwork animé, des morceaux de leur vie. Ils poursuivent chacun un objectif, s’interrogent, partagent des émotions exacerbées, évoquent des souvenirs communs. Leurs interactions provoquent des situations comiques, absurdes. Seuls liens apparents entre tous ces échanges : la pièce dans laquelle ils évoluent et la fatalité qui les y a menés.

La mise en scène d’Alain Françon sublime cet ensemble de séquences sans ordre chronologique ni liens de causalité. Les scènes très diverses se succèdent dans cette grande chambre aux murs rouges traversée par une colonne, parfaitement exécutées par les comédiens qui empruntent différents rôles. L’absence de linéarité du récit, loin de déstabiliser le spectateur, l’incite à observer, chercher le sens de ce qui se déroule sous ses yeux. La deuxième partie balaie dans le désordre des tranches de la vie de Marie Steuber. Sont explorées, ses relations avec les hommes, sa vie professionnelle. Georgia Scalliet offre une interprétation très fine et touchante de ce personnage désabusé et complexe. Jacques Weber et Gilles Privat, dans les rôles de Julius et Olaf, forment un duo incontournable de sages sceptiques, empreint de complicité et d’humour. Les autres comédiens interprètent également leurs multiples rôles avec beaucoup de justesse.

Dans notre époque marquée par le règne de l’instantanéité et la recherche accrue de lieux de partage, la pièce de Botho Strauss trouve une résonance particulière.

 

Le Temps et la Chambre

 

de Botho Strauss 

texte français Michel Vinaver
mise en scène Alain Françon
avec Antoine Mathieu, Charlie Nelson, Gilles Privat, Aurélie Reinhorn, Georgia Scalliet de la comédie française, Renaud Triffault, Dominique Valadié, Jacques Weber, Wladimir Yordanoff et la voix d’Anouk Grinberg
assistant à la mise en scène Nicolas Doutey
dramaturgie David Tuaillon
décor Jacques Gabel
lumières Joël Hourbeigt
costumes Marie La Rocca
musique Marie-Jeanne Séréro
son Léonard Françon

 

Du 6 au 3 février 2017.

Théâtre national de la Colline
15, rue Malte-Brun
75020 Paris

http://www.colline.fr