« Time’s Journey through a room », de et mis en scène par Toshiki Okada au Théâtre de Gennevilliers dans le cadre du Festival d’automne

Article d’Ondine Bérenger

La persistance de la mémoire

Profondément troublé par le séisme et l’accident nucléaire de Fukushima, Toshiki Okada fait ici se confronter en huis-clos trois personnages qui, évoquant avec émotion la catastrophe, interrogent ses conséquences sur la société japonaise.

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© Misako Shimizu

Nous sommes dans un espace-temps à mille lieues de notre quotidien. Ici, chaque seconde semble s’égrener l’une après l’autre avec une extrême mesure et une lourdeur, une fatalité palpables. Le temps n’est pas suspendu : il est ralenti, étiré jusqu’à la dernière limite avant l’arrêt total, avec une virtuosité hors norme. Sur le plateau meublé comme un studio épuré à l’extrême, de curieux parasites viennent troubler l’espace de la représentation : lumières et sons insensés, presque aléatoires, semblables à ceux que, dans la vie, l’on ne remarque plus, deviennent ici la preuve la plus tangible que le temps s’écoule encore tandis qu’ils rythment les silences.

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© Misako Shimizu

Là, trois personnages d’un calme olympien, qui eux aussi se meuvent avec une lenteur mesurée, tour à tour discutent et se confrontent, dans un langage oral très musical. Un échange teinté de tristesse et de doutes, mais qui jamais ne cède à la tentation du désespoir. Bien au contraire, ce qui se fait jour à travers le texte est précisément l’espoir d’une population intimement bouleversée par la catastrophe, le sentiment que la destruction est un nouveau départ grâce auquel seront finalement réglés tous les problèmes d’une société qui n’osait pas y faire face. Dans ce huis-clos où se côtoient en symbiose parfaite la vie et la mort, la douleur et l’espérance, les souvenirs et l’apaisement d’un renouveau à venir, soudain il semble que le monde va changer.

S’il est une chose qui ressort de cette représentation, c’est assurément son immense délicatesse, sa finesse et sa subtilité. Tout est suggéré ou bien simplement dit, sans éclats, sans effusion, sans artifice, et dans ce calme pesant l’émotion nous saisit. On se laisse emporter sans difficulté par ce trio d’acteurs à la présence quasi-irréelle, fragile et réconfortante à la fois, et l’on traverse avec lui toute la délicate palette des émotions humaines.

Et finalement, ce que l’on perçoit à ce point d’équilibre précis entre les sentiments, c’est l’émergence douce-amère de la plus pure humanité. Un très grand moment de théâtre.

 

 

 

 

Time’s journey through a room

Texte, mise en scène Toshiki Okada
Avec Izumi Aoyagi, Mari Ando, Yo Yoshida
Son, scénographie Tsuyoshi Hisakado

Régisseur général Koro Suzuki
Régisseur son Norimasa Ushikawa
Régisseur lumières Tomomi Ohira (ASG)
Costumes Kyoko Fujitani (FAIFAI)
Traduction française Mathieu Capel
Assistante à la mise en scène Yuto Yanagi

 

du 23 au 27 septembre 2016

 

Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons

92230 Gennevilliers

http://www.theatre2gennevilliers.com/2016-17/pratique/infos-pratiques