Article de Marianne Guernet-Mouton
New York dans un poète
La Compagnie des Oiseaux Migrants se plonge dans l’œuvre de Federico Garcia Lorca depuis deux ans avec l’idée d’en faire émerger un questionnement sur l’identité espagnole. « Un Poète à New York » est un spectacle qui s’inscrit dans ce cycle de recherche. Créé par José Luis Roig en décembre 2014, l’acteur et écrivain est parti d’une lecture de poèmes, ces cris du poète qui séjourna à New York en 1929 et revint en Andalousie à jamais déstabilisé. Dolores Lago Azqueta en propose une mise en scène et une traduction poignantes grâce à un seul en scène dignement mené par Mario Tomas Lopez, d’une pertinence émouvante dans le rôle du poète.
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Sans décor sinon une petite table et un tabouret, tout concoure à créer une proximité avec le public que l’acteur, vêtu d’un costume et d’un nœud papillon, prend en considération dans son jeu. Si cette prise de risque fait d’abord craindre une performance qui s’épuiserait en misant tout sur l’intérêt de son public, au fil des minutes c’est Lorca lui-même que l’on croirait voir sur scène tant la teneur et le ton de la confession de cet homme semblent sincères. Économisant ses mouvements, parfois accompagné d’un fond sonore, Mario Tomas Lopez, le regard brillant et la voix tremblante est aussi juste que touchant.
De sa bouche, devenue celle du poète, les mots s’échappent et nous dessinent New York. Cette ville où les immeubles luttent avec le ciel et où la foule danse perpétuellement de façon mécanique. Errant solitaire dans cette ville et sous nos yeux, le poète décrit une ville déstabilisante, qui donne le vertige, où les gens aiment les murs qu’ils soient matériels ou mentaux comme en témoignent les longs poèmes choisis sur la crainte des Noirs, extrêmement palpable dans les rues de cette immense ville. Cette ville où personne ne prend le temps de regarder les nuages à part peut-être Lorca lui-même qui en 1929, poète sondant les choses, prit le temps de sonder les nuages et l’ambiance d’une ville qu’il quitta malgré tout avec regret.
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Grâce à une mise en scène très sobre et un jeu de lumières qui sert d’écrin aux émotions du poète dont l’acteur se fait le porte-parole, cette compagnie de jeunes comédiens est parvenue à aller plus loin que son intention de départ qui était celle de nous montrer un poète à New York, en nous signifiant davantage New York dans le poète. New York à travers ses yeux, ses mots et sa sensibilité, celle d’un espagnol dont le voyage éveilla ses racines et une identité peut-être insoupçonnée, que seul le théâtre ne nous fait pas oublier.
Un poète à New York
de Federico García Lorca
Traduction et mise en scène Dolores Lago Azqueta
Avec Mario Tomás López
Régie Patricia Luis-Ravelo
Du 25 janvier au 15 février 2016
Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
http://www.epeedebois.com/