Article de Paula Gomes
Une combattante pour la vie
Dans une grande sobriété, en vêtements noir et rouge, Coralie Emilion-Languille est Valentina Timofeivna Panassevitch, une femme amoureuse qui assiste à la lente agonie de son mari « liquidateur », suite à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986. Un seul en scène extrêmement touchant : un monologue d’amour fou, une lutte contre la mort et l’oubli. Avec pudeur, Valentina transmet son histoire, c’est pour elle un devoir de mémoire. Malgré son chagrin, à demi-mots et avec le sourire, la jeune Soviétique se remémore son enfance, son rêve de se marier, d’avoir des enfants et d’aimer très fort comme Natasha Rostova dans Guerre et Paix, sa rencontre avec son futur époux, grand et beau. Puis survient l’explosion du réacteur nucléaire, son conjoint et son équipe dépêchés sur les lieux seront tous irradiés. Elle détaille l’année durant laquelle elle s’est occupée de lui sans relâche, les ravages du cancer sur son corps déformé petit à petit et leur quotidien jusqu’à sa mort tragique, avec un amour indéfectible. Des élans de bonheur, de désirs et d’espérance face à la barbarie de cette guerre peu ordinaire qui a surpris la population laissant les corps mutilés, des familles endeuillées, un désastre humain et écologique sans fin. Une héroïne parmi tant d’autres affrontant une réalité insoutenable et injuste.
© Languille
Laure Roussel laisse le texte exprimer toute sa puissance et sa poésie. Coralie Emilion-Languille incarne avec justesse les émotions de Valentina dans sa voix, son regard et ses silences. Ce n’est pas une veuve éplorée mais une rescapée courageuse, irradiante d’amour, une combattante face à la maladie, aux drames de son existence. Un rythme soutenu, les lieux et les autres protagonistes sont très vite évoqués. Un parcours où les violences et les souffrances montent crescendos et où les hommes tiennent debout et pansent leurs plaies. La lumière intimiste prête a la confidence. Le public est pris au cœur par cette histoire d’amour déchirante et empreinte d’une profonde humanité. Finalement, l’horreur laisse place à une prise de conscience, Valentina se met à lire et essaie de comprendre. Reste-t-il une lueur d’espoir ?
© Languille
Adaptation réussie du dernier témoignage de la « Supplication – Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse », une œuvre bouleversante de l’écrivain-journaliste biélorusse Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature en 2015. Un cri d’amour, une leçon de vie et un vibrant hommage aux victimes de Tchernobyl 30 ans après. Comment réagir face à la menace nucléaire toujours présente ? La consommation d’énergie mondiale ne cesse pourtant d’augmenter. Il faut tirer des leçons du passé et trouver des solutions sans risque. Une pièce engagée et d’actualité pour ne pas oublier et agir, une supplication pour l’avenir de l’humanité.
« Valentina-Tchernobyl, née pour l’amour »
Texte librement adapté de « La supplication » de Svetlana Alexievitch
Mise en scène Laure Roussel
Avec Coralie Emilion-Languille
Du 6 avril au 14 mai 2016
Les mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 19h
Durée 1h
La Manufacture des Abbesses
7, rue Véron
75018 Paris
http://www.manufacturedesabbesses.com/