« Vanishing point / Les deux voyages de Suzanne W. », suivi de « Spleenorama », de Marc Lainé aux éditions Actes-Sud.

Un article de Pierre-Alexandre Culo

 

A la suite de la tournée de Vanishing Point avec les musiciens Moriarty, les éditions Actes-Sud publient en ce début d’année le texte de la pièce suivi de Spleenorama. L’occasion de découvrir de plus près l’univers de Marc Lainé. Plasticien et scénographe reconnu, Marc Lainé conçoit depuis 2008 ses propres spectacles à l’univers pop et transdisciplinaire. Ses aspirations pour le cinéma et la musique live transparaissent avec force dans ces deux pièces à la poésie étonnante. 
 
« La femme… La femme a des yeux comme des lacs … Elle est d’une beauté poignante, mais elle est sujette à des crises de mélancolie qui peuvent l’isoler du monde pendant des jours . C’est comme un hiver qui s’abat sur elle. Et l’homme… L’homme est un type bien, évidemment, mais il a des accès de colère qu’il ne peut contrôler. Parfois, il a comme un point obscur devant les yeux et alors il se met dans une rage folle… »
 
 
Suzanne se laisse mourir dans les gaz d’échappement de sa voiture. Plus rien à attendre hormis les souvenirs. Ce long et doux flash-back qui la ramène auprès de Tom. Sur le bord de la route où l’hiver fait geler les lacs, Suzanne le ramasse. Assis à l’arrière de sa Honda Civic de 1978, Vanishing Point nous embarque dans un road-trip imprévisible. Marc Lainé fait défiler les paysages du Grand-Nord du Québec avec une langue détachée, contemplative. Sa langue empreinte de codes cinématographiques trouve une identité fascinante dans ses propres dérèglements poétiques. De motels en stations services, les pieds sur la glace et les oreilles à l’affût des dialectes autochtones, Marc Lainé erre dans une poésie américaine maîtrisée. De cette traversée, il ne reste que les flash-back des paysages passés à travers la vitre. Les personnages empruntent la physionomie de ceux de Gus Van Sant. Suzanne et Tom ne se déversent pas et seule la physionomie de leurs corps en mouvement crée une empathie profonde qui nous les fait suivre au cœur de ces terres de glace. 
 
 
« Une bonne chanson c’est comme voir un fantôme. Et un bon album, c’est un album avec que de bonnes chansons. Alors oui, j’imagine que l’album ultime, ce serait comme un genre de paysage peuplé de fantômes. Quelque chose comme des limbes. Peut-être. C’est ce qu’on voulait faire en tout cas. »
 
Ulysse du rockn’roll, Lucas revient dans sa petite ville à la suite de la mort d’un des membres de leur groupe de jeunesse. Laurent a passé sa vie entière à la poursuite d’une utopie musicale: l’album ultime. Le départ de Lucas condamnera l’existence de ce rêve, laissant derrière lui rancœurs et amertumes. Avec Spleenorama, Marc Lainé joue une nouvelle fois avec les temporalités, tissant avec finesse les scènes de retrouvailles et ses fameux flash-back. La pièce jouit d’une dynamique entraînante qui sauve le synopsis d’une mélancolie simpliste. 

 

Vanishing Point, suivi de Spleenorama
De Marc Lainé.

16 euros.
Editions Actes-Sud
18 rue Séguier

75006 Paris.