« Via Lucis » d’Angélica Liddell, Les Solitaires Intempestifs

Article de Bruno Deslot

Transgresser les lois de l’amour par la poésie !

Via Lucis éclaire les chemins parfois ténébreux qu’Angélica Liddell parcourt dans son dernier ouvrage où l’amour constitue une représentation archétypale du phallus dans laquelle, l’esprit tourmenté de l’auteur, s’abandonne au plaisir féroce et jouissif de la soumission à l’autre. Mais qui est l’autre ? Qui sont les autres dans ce paysage à la fois mystique et si réel ? Renouant avec la tragédie et par voie de conséquence une dimension fortement religieuse, l’auteur investit Dieu de tous ses espoirs spirituels dans une quête obsessionnelle de la transgression.

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Conjuguer la foi et l’amour dans un acte sacrificiel, lever le voile sur des zones d’ombre relevant de l’incompréhensible, Angélica Liddell articule Dieu, l’amour et la mort selon des schémas propres à ses créations artistiques où la violence des sentiments n’a pas de limites.
Femme aux multiples visages, elle porte toute la douleur de la Sainte Agathe, représentée par Zurbaran dont la toile se trouve au musée Fabre à Montpellier. La rondeur des seins d’A.Liddell, invite à pénétrer son intimité avec retenue et fougue, passion et acharnement, à parcourir son corps offert, comme ces abricots ouverts évoquant autant de vulves à honorer avec un appétit féroce de la vie. La série d’auto-portraits, comptant cinquante photographies d’Angélica Liddell, sont autant d’allégories de la femme amoureuse que soumise à l’être aimé ! Masque en dentelle, nuisette satinée, l’aisselle velue, Angélica tient entre ses mains les pommes du péché originel comme autant d’actes impurs qu’elle pourrait commettre par amour. Un corps vérolé, bientôt rongé par les rampants, elle l’honore de coups de ciseaux faisant jaillir son sang qui dessine sur elle une dentelle exquise et inquiétante. La tête entourée de myrrhes, ou la poitrine recouverte de fleurs blanches comme la belle Ophélie, elle est aussi l’Immaculée Conception énigmatique que l’on devine derrière un voile léger et enveloppant. Elle est une victime immolée et son contraire à l’image de ses désirs d’amour charnel pour celui qu’elle aime, qu’elle attend, qui viendra Via Lucis, La Parole, celle de la résurrection, de la joie pascale.
« Mes yeux blancs comme ton sperme » implorent la présence de l’autre à partir de désirs croisés toujours plus énigmatiques, pour combler les trous, les orifices vides de la jeune femme en proie à une forme de béatitude. Le bonheur de la pénétration dépend largement d’une soumission à l’autre, d’un abandon « heureux » aux pénis d’une légion d’hommes prêts à combler les béances de la sainte aux seins coupés.
L’ouvrage se poursuit sur le Première épître de Saint Paul aux Corinthiens « Cantate BWV4, Christ Lag in Todesbanden. Oh, Charles ! », un texte théâtral devenu un spectacle représenté en novembre 2015 à l’Odéon. D’abord composé d’un texte extrait du film de Bergman (1962) « Les communiants » et de la lettre d’amour de l’institutrice athée Marta au pasteur Tomas qui a perdu la foi et n’aime plus la jeune enseignante, cette partie de texte fait largement écho aux auto-portraits d’Angélica Liddell et ce besoin vital d’amour. Un court journal intime allant du 17 février au 19 mars 2015 met en perspective une parole quasi hystérique adressée à celui qu’elle aime.
L’ouvrage est de belle facture, mais l’ensemble devient vite aliénant car l’auteur place en Dieu tout son espoir spirituel en menant une quête absolue et obsédée par l’idée même de la transgression, limitant parfois le propos à d’autres champs d’investigation.

Via Lucis
D’Angélica Liddell
Traduction française de Christilla Vasserot

Les Solitaires Intempestifs
1 rue Gay-Lussac
25 000 Besançon
www.solitairesintempestifs.com