« [Avignon IN] SAÏGON »  Nostalgie polyphonique entre ici et là-bas 

Ils s’appellent Hao, Mai, Linh, Edouard ou encore Antoine. Ils sont vietnamiens, français, français d’origine vietnamienne, tous marqués par un fragment d’Histoire commun : celui qui git en ruines sous l’actuelle Hô Chi Minh-ville, l’Indochine colonisée puis le Vietnam indépendant. Entre Saïgon et Paris, en 1956 ou 1996, ils se retrouvent dans le restaurant de Marie-Antoinette pour manger, chanter, vivre et se rappeler leurs blessures, pour se raconter leurs histoires, aussi. Toujours avec une immense nostalgie, car « c’est ainsi que se racontent les histoires au Vietnam : avec beaucoup de larmes. »

Pris entre deux lieux et deux époques, le restaurant de Marie-Antoinette devient le lieu symbolique du souvenir, de la mémoire qui subsiste à travers l’espace et les générations, le lieu impossible des rencontres ou des retrouvailles avec ceux que l’on aime, ceux qu’on pleure. Le décor immuable, détaillé comme un plateau de cinéma, aux limites franches qui lui donnent un air d’aquarium, peut paraître excessivement figuratif pour ce type de représentation, trop lointain aussi, malgré l’esthétique indéniable de sa réalisation. C’est cependant le seul bémol que l’on peut trouver au spectacle.

170707_rdl_0309
170707_rdl_0115
170707_rdl_0084

Le schéma narratif est bien construit, reste parfaitement limpide et rythmé, sans aucune confusion possible entre les lieux et les époques bien qu’ils soient sans cesse entremêlés. Les histoires personnelles de Linh et Edouard, de Mai et Hao et de tous les autres personnages, issues de témoignages réels, sont autant de récits intimes qui, tissés ensemble, ont formé et forment l’Histoire telle qu’on la connaît : quand la mémoire à échelle humaine rejoint celle des livres… C’est avec énormément d’émotion que l’on se trouve captivé par ces blessures souvent avouées à demi-mot, ces coups du sort, ces aventures que l’on croirait trop romanesques si l’on n’en connaissait pas l’authenticité cachée sous la fiction. Caroline Guiela Nguyen réussit le tour de force de faire dire une profonde mélancolie avec beaucoup de nostalgie, sans tomber dans des lamentations convenues ni dans la complaisance. Plus de trois heures durant, on ne s’ennuie pas une seconde : on rit, on pleure, et parfois même, avec les personnages, on aimerait chanter ces vieilles mélodies française dans le restaurant de Marie-Antoinette.

Les comédiens, pour certains non-professionnels, sont irréprochables. Evoquons en particulier l’incroyable Anh Tran Nghia qui joue la restauratrice Marie-Antoinette avec l’aisance du métier, et pour cause : elle est restauratrice. Véritable « mamma », elle est comme le ciment de la représentation. Cependant, chaque acteur mériterait de longs éloges, car le spectacle se déroule sans une fausse note, sans un accroc, au rythme délicat d’une mélodie qu’on fredonne douloureusement pour se souvenir. Saïgon sera en tournée à la saison prochaine : ne le manquez pas.

Informations pratiques

Auteur(s)
Caroline Guiela Nguyen avec l’ensemble de l’équipe artistique

Mise en scène
Caroline Guiela Nguyen

Avec
Caroline Arrouas, Dan Artus, Adeline Guillot, Thi Trúc Ly Huynh, Hoàng Son Lê, Phú Hau Nguyen, My Chau Nguyen thi, Pierric Plathier, Thi Thanh Thu Tô, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia

Dates
Du 8 au 14 juillet 2017

Durée
3h25

Adresse
Gymnase du Lycée Aubanel
14 rue Palapharnerie
84000 Avignon

www.festival-avignon.com