Le Pôle Théâtre et Marionnette à Avignon © Théâtre Actu
À l’occasion de la présentation de la création Les Souffrances de Job au festival Avignon 2021 (voir Interview Focus 1 sur Les Souffrances de Job), la compagnie DERAÏDENZ dirigée par Léa Guillec metteuse en scène et administratrice de la compagnie DERAÏDENZ, Baptiste Zsilina marionnettiste, comédien et directeur artistique de la compagnie, Sarah Rieu comédienne, costumière de la compagnie et Coline Agard comédienne, chargée de la gestion administrative nous accueille au Pôle Théâtre et Marionnette dont ils sont également à la tête et qui a ouvert ses portes en octobre 2020.
P. G. : Vous dirigez le Pôle Théâtre et Marionnette qui a ouvert ses portes en octobre 2020 (entre 2 confinements). Ce lieu est atypique.
Quelle est la place donnée au théâtre et à la marionnette ?
Léa Guillec : Ce lieu est en construction et souhaite rester dans une dynamique évolutive. Il faut noter qu’il s’agit à la fois du Local de DERAÏDENZ, notre QG où nous menons une grande partie du quotidien de la compagnie : Ateliers où nous construisons, Bureau où nous administrons, Salle Noire où nous donnons des cours, Réserve de matériaux, etc ; et à la fois d’un lieu ouvert et partagé qui accueille d’autres compagnies ou artistes en résidences, des réunions associatives, du public lors de temps conviviaux ou professionnels ! Le Théâtre et la Marionnette y sont liés dans toutes les activités ou presque car selon nous, le théâtre est partout et comme le disait Baptiste, il est important pour nous de lier l’art et l’art de vivre.
P. G. : S’agit-il d’un défi pour vous ou cela s’inscrit dans la continuité de vos projets ?
Vous êtes 4 jeunes, est-ce que cela a été un frein dans les projets de la Cie et le Pôle ?
Coline Agard : L’ouverture du Pôle Théâtre et Marionnette s’inscrit dans la continuité de nos projets, de nos envies, de nos projections. Pour autant cela a été un véritable défi, car nous nous sommes débrouillés sans l’aide des institutions, avec nos deniers personnels et dans le contexte vacillant de cette crise sanitaire qui a rendu les démarches et la première année d’ouverture plus compliquées que prévu. Pour nous, notre jeunesse n’est pas un frein, car nous redoublons de soif de créer, de rencontrer, d’apprendre, de partager. Le frein est plutôt dans la tête de ceux qui pensent qu’il faut avoir un certain nombre d’année d’existence de compagnie pour être subventionnés par telle ou telle institution ou bien pour lancer tel ou tel projet, ce qui nous porte parfois préjudice.
P. G. : Que diriez-vous a des jeunes qui voudraient se lancer dans une entreprise similaire aujourd’hui ?
Sarah Rieu : En ce qui me concerne, je leur dirai de s’accrocher. Mais que si on s’accroche très bien à son rocher, même les pires tempêtes ne pourront pas nous emporter. Et qu’après chaque tempête vient l’accalmie. Plus sérieusement, disons que c’est du travail, beaucoup de temps et d’investissement mais ça peut se faire. Tout peut se faire, tout est possible.
P. G. : Qu’est-ce qui vous touche ? Que cherchez-vous à produire ? Etes-vous engagés ?
Baptiste Zsilina : On a une urgence de la culture et de l’art.
Ce qui va rester de ce qui s’appelle l’art, c’est se confronter à la saturation des propositions, surenchère de la production de « bon marché ».
Nous avons une implication culturelle et à la fois nous sommes étroitement engagés dans la présentation de spectacles vivants et aussi des tournages d’animation en volume (stop motion).
Nous avons participé en juin 2020 au « Défi 48h du Festival très court » dont le thème nous tenait à coeur : l’urgence climatique, « La Maison Brûle ». Nous avons réalisé un film de moins de 4 mn « Le Bon Goût du Déclin », « narration picturale d’un monde en ruines, qui danse sur ses propres cendres», qui est à lui-même une pépite de ce que nous créons et ressentons.
Marionnettes de spectacles et de stop-motion à l’exposition du Pôle Théâtre et Marionnette © Théâtre Actu
P. G. : Qu’apprécient les spectateurs dans votre travail ?
Baptiste Zsilina : Certains admirent l’esthétique.
L’univers esthétique immerge le public dans une autre dimension, un monde réinventé comme au cinéma. On peut citer par exemple les films de Jean-Pierre Jeunet comme « La cité des enfants perdus ».
On évoque parfois le travail de Kantor. Certains soulignent l’univers musical rappelant celui de la musique juive criante d’humanité. Il faut en accepter le tragique avec la vie et la mort qui la traversent. C’est propre à ce qu’on développe dans nos spectacles.
Le public trouve aussi une certaine authenticité.
Dans le processus de création, on développe un vocabulaire. Le spectateur se fait sa propre analyse.
La possibilité de voir les coulisses, crée un aura propre à la compagnie que les gens aiment bien.
L’énergie et la générosité, la sincérité.
P. G. : Quelques mots sur la programmation du Pôle ? Elle s’adresse à quel public ?
Léa Guillec : La programmation est en construction et en évolution. N’étant pas un lieu de diffusion, nous n’entrerons sans doute pas pour l’instant dans un programme régulier et fixé longtemps à l’avance puisque la vie de la compagnie et notamment ses dates de tournée, parfois connues au dernier moment ont une influence sur le Pôle. Nous souhaitons au maximum que le lieu puisse vivre aussi quand nous ne sommes pas là. Par exemple en Juillet vous pouviez y trouver : Les Rencontres Marionnette (conférences et tables rondes avec artistes et compagnies), l’expo photo de Serge Gutwirth « Arts terriblement Vivants », les ateliers en visite libre ou accompagnée, le Bar Associatif fourni en produits Locaux et Bio, des soirées exceptionnelles et musicales (Gavali, Noubcaïaï, Mr Moon, Karaoké), ainsi que des ressources théâtrales et marionnettiques.
Les Rencontres Marionnette et soirées exceptionnelles et musicales au Pôle Théâtre et Marionnette © Théâtre Actu
P. G. : Le public est-il localisé sur Avignon ou rayonnez-vous sur un large secteur ?
Sarah Rieu : Principalement des Avignonnais mais aussi des touristes et des curieux.
Nous avons aussi des personnes qui connaissent un peu la compagnie, qui ont vu le spectacle pour apporter leur soutien. Il y a aussi des compagnies ou des spectateurs qui nous connaissent des festivals précédents. Certains n’ont parfois vu aucun de nos spectacles mais juste entendu parler de la compagnie, ou vu la parade de notre autre spectacle Nyctalopes. C’est très varié, mais ce qui est certain, c’est que notre univers intrigue les passants comme les connaisseurs.
P. G. : Vous travaillez avec de nombreux artistes aussi bien pour vos créations au niveau de la musique, que dans les activités du Pôle (matinées Marionnette durant le festival, soirées à thèmes et stages de constructions) avec même la participation de bénévoles dans la fabrication de marionnettes de spectacles.
Vous entretenez « le réseau » ? des partenariats ?
Coline Agard : Il est important pour nous de créer des liens avec les autres artistes, notamment ceux de notre territoire. C’est pourquoi, par exemple, nous faisons partie du regroupement Polem, l’association des marionnettistes et compagnies de marionnettes de la région Paca. Pendant le festival d’Avignon c’est l’occasion pour nous de rencontrer d’autres compagnies, d’autres artistes, de tous horizons et toutes origines, de partager nos points de vue, découvrir des esthétiques, des univers. Nous avons de nombreux partenaires que ce soit des institutions financeuses, des associations, des fournisseurs, des entreprises locales, des bénévoles etc. que nous avons accumulés au fil des ans. Nous entretenons les partenariats qui nous tiennent à cœur, quand il y a intérêt des deux côtés, un sens, une confiance mutuelle et un désir de travailler ensemble.
L’Atelier du Pôle Théâtre et Marionnette © Théâtre Actu
P. G. : Le Pôle Théâtre et Marionnette est-il ouvert toute l’année ?
Sarah Rieu : Le Pôle est ouvert toute l’année, car nous y travaillons tous les quatre à temps plein. Un curieux peut tout à fait nous contacter par mail ou téléphone pour prendre rendez-vous pour une visite du pôle. Il y a aussi des temps forts, avec des stages de constructions professionnels, où Baptiste apprend aux stagiaires à fabriquer une marionnette à fil, une marionnette de stop motion, un masque ou autre…Nous accueillons parfois aussi, d’autres compagnies, soit pour de la construction sur des projets internes soit sur des stages de manipulation.
Pour garder le contact avec le public et les curieux, nous aimons aussi organiser des soirées jeux de sociétés à thème ou des soirées concert. Nous ouvrons alors le lieu au public, celui-ci peut à la fois profiter d’une visite de l’atelier, mais aussi d’une soirée agréable entre amis dans une ambiance calme et reposante.
P. G. : Avez-vous la volonté d’attirer un plus large public qui n’aurait pas de lien avec le théâtre ou la marionnette ?
Sarah Rieu : Lors des temps forts au Pôle, nous faisons des visites organisées du lieu et de l’exposition qui présente des marionnettes de spectacles et de stop-motion. Nous avons aussi une boutique avec quelques marionnettes originales en vente et des produits liés aux créations et à la compagnie.
Léa Guillec : Oui, et nous menons déjà avec DERAÏDENZ des actions auprès de publics non sensibilisés qui découvrent le théâtre et/ou la marionnette à travers nous, que ce soit directement au Pôle où dans d’autres lieux.
P. G. : Cette période particulière a-t-elle modifié votre façon de travailler, apporté des choses nouvelles ?
Baptiste Zsilina : Un rapport encore plus sensible à l’authenticité de la création. Dans la même lignée que La Dame Blanche, nous avons créé InKarnè durant les second et troisième confinements, spectacle danse-marionnette condensé de simplicité et d’émotion.
InKarné, nouvelle création danse-marionnette de la Cie DERAÏDENZ © Stéphane Bluzat
P. G. : Etes-vous satisfaits de ces quelques mois de fonctionnements (bientôt un an) ?
Sarah Rieu : Dans l’ensemble, nous en sommes satisfaits. La fréquentation n’a pas forcément aussi forte que ce qu’on espérait, mais compte-tenu des événements de l’année passée qu’on connait tous et du fait que c’était la première année d’existence du lieu, je pense que nous nous en sommes bien sortis. Il y a eu de très beaux temps forts, par exemple, les soirées concert, les deux jours d’inauguration en octobre 2020, les stages qui se sont déroulés au pôle malgré de nombreuses complications. Et puis, bien sur, en tant que comédienne, le fait que le festival ait pu avoir lieu… Je dirai que le bilan dans le contexte actuel est positif !
Coline Agard : En effet nous n’avons pas réellement pu ouvrir le lieu pendant un an, mais plutôt quelques mois en totalité. Nous nous sommes néanmoins fixé comme objectif de faire parler du lieu, faire en sorte que les gens le repèrent, et comprennent ce qu’il s’y passe. Au vu de cet objectif nous sommes plutôt satisfaits. Globalement nous trouvons que le lieu n’a pas eu assez de fréquentation, mais les gens ont entendu parler du lieu, certains stages ont été très remplis, les soirées-événement pendant le festival ont connu un franc succès, et nous sommes très heureux que les premières rencontres marionnettes aient eu lieu. Donc c’est en bonne voie pour évoluer dans le bon sens.
P. G. : Avez-vous des nouveautés, des projets pour la rentrée ?
Léa Guillec : Déjà, continuer de tout faire pour que ce qui a été créé vive auprès du public, malgré le contexte !! InKarnè, solo danse-marionnette a déjà joué 8 fois, mais ce n’est qu’un début et ce spectacle-bijou mérite de tourner ! Sans parler des Souffrances de Job !
P. G. : Avez-vous un message à adresser à votre public ou aux futurs visiteurs du Pôle Théâtre et Marionnette ?
Léa Guillec : On ne lâche rien, vous savez où nous trouver et où nous suivre, n ‘hésitez pas à nous contacter !
P. G. : Où peut-on avoir les informations sur les créations et le Pôle Théâtre et Marionnette ?
Sarah Rieu : Sur notre site internet, notre page Facebook et aussi sur instagram !
Les Souffrances de Job création de la Cie DERAÏDENZ © Serge Gutwirth
Adresse
Pôle Théâtre et Marionnette
2155 Chemin de la Barthelasse
84000 Avignon
Informations complémentaires
Pôle Théâtre et Marionnette
Facebook Pôle Théâtre et Marionnette
Festival OFF d’Avignon
www.festivaloffavignon.com
Compagnie DERAÏDENZ
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