« LA VIE INVISIBLE » de Guillaume Poix, Voir ?

La Vie Invisible de Guillaume Poix, créée le 22 septembre 2020 à la Parenthèse de Saint-Jean-de-Royan, mise en scène Lorraine de Sagazan, explore le rapport à la vue – et surtout à sa perte – ainsi que les rapports humains dans ce cadre contraint.
Les personnages :
Thierry, un homme malvoyant
Chloé et Romain une actrice et un acteur.

La pièce commence par un long monologue de Thierry qui expose au public sa situation de malvoyant, sa rencontre avec l’équipe de la Comédie de Valence, les différents présupposés qu’on a par rapport à cette déficience : l’aveugle ne peut avoir du monde qu’une perception limitée… mais la perte de la vue développe les autres sens… et peut-être même que, comme dans les tragédies antiques, l’aveugle est justement le clairvoyant… Tout cela, bien sûr, est à la fois vrai et faux.

Il s’agit, en somme, de raconter sa vie à des acteurs censés incarner à terme, la personne de Thierry, le malvoyant. Plus que sa vie, sa perception du monde et son rapport à celui-ci. Mais voilà. Thierry est gêné parce que parler de ça, c’est toucher à l’intime ; et là, ça bloque. Alors, il propose de raconter plutôt le souvenir qu’il a d’une pièce de théâtre à laquelle il a assisté, d’essayer de retrouver l’histoire, bien sûr et aussi les émotions qu’il a ressenties. C’est par ce chemin détourné qu’il pourra accéder à la demande des acteurs.

Ce qui est passionnant, c’est que les deux acteurs jouent cette pièce sur les indications de Thierry, qui devient à la fois l’auteur et le metteur en scène, qu’il les fait reprendre pour être plus justes et que, petit à petit, de ce spectacle vu alors qu’il était encore seulement un déficient visuel, on glisse à sa propre histoire.

Lui qui ne voulait pas vraiment parler de lui finit par évoquer ses parents à cran à cause de lui, de sa maladie et de la chute qui va précipiter l’arrivée de sa cécité totale. Le père qui ne voulait pas être père, la mère folle d’amour pour son homme et pétrie de chagrin par rapport à son enfant fragile, tout cela évoqué avec beaucoup de délicatesse, la même délicatesse qu’il faut à un aveugle pour « regarder » quelqu’un avec ses mains…

Et pour terminer tous ces tâtonnements des doigts et des cœurs, la découverte d’une longue lettre écrite par le père, écrite et réécrite pendant des années et jamais envoyée. Longue lettre émouvante qui éclaire les choses.
Une pièce forte et terriblement humaine, pudique comme son héros et qui bouscule les certitudes.
Notre fils est ce que je ne serai jamais
Il a la force que je n’ai pas
Le courage qui me fait défaut
Il peut dire les mots que je ne trouve pas
Il a le talent que je n’ai pas su avoir, ni choisir
Il incarne les rêves que je voudrais accomplir…

Nombre de parents se retrouveront dans ce portrait.

Le volume comporte également un premier texte Un Sacre de Guillaume Poix (cf critique Théâtre Actu Un Sacre).

Informations pratiques

Auteur(s)
Guillaume Poix

Prix
15,50 euros

Éditions Théâtrales
www.editionstheatrales.fr