« QUELLES TÊTES ? LA MORT, L’AMOUR, LA MER »  Poésie du questionnement, cheminement de la pensée 

Sur scène, il y a « lui », au milieu de ses objets étranges qui brillent, fument et font du bruit. Comme un enfant en pleine exploration du monde, il s’interroge sur la mort. Puis, il y a « elle ». Avec son arrivée vient la découverte de l’amour, des relations qui grandissent et changent de forme – enfantines, adolescentes, adultes. Finalement, il y a la mer, cette mer où « lui » et « elle » vont s’aventurer ensemble, pour fuir le bruit du monde. Par amour. Vers la mort.

A travers ces trois moments qui, à eux seuls, font défiler toute une vie, le collectif le 7 au soir donne à voir le libre cheminement d’une pensée, avec toutes les ruptures qui lui sont inhérentes – ruptures à la fois formelles et fondamentales. Mélangeant ainsi poésie, SMS, chansons ou encore journal de bord, le récit progresse par associations d’idées et images, parfois réflexives ou sentimentales, rationnelles ou absurdes, toujours en plein foisonnement.

La scénographie est à l’image de cette construction dramaturgique : les objets les plus indéchiffrables côtoient ceux du quotidien, semblant parfois s’animer par magie, les dispositifs les plus farfelus se mêlent à des mécanismes de bric et de broc qui, tous, révèlent la puissance poétique et évocatrice d’un théâtre objet par lequel les comédiens eux-mêmes semblent se laisser surprendre.
Sur scène, Yvan Corbineau et Judith Morisseau forment un duo sans âge, émouvant par sa simplicité et son apparente naïveté, notamment dans la deuxième partie. Tous deux excellent dans la représentation la plus immédiate d’une relation amoureuse – de la découverte à la séparation, en passant par ces détails du quotidien qui expriment une poésie inattendue lorsqu’on y porte un regard naïf et distancié par le théâtre.

Toutefois, le spectacle se heurte, dans sa troisième partie, à la réalité du monde actuel, qui semble lui résister davantage que les questionnements philosophiques. En effet, la réflexion politique – abordée inopinément – n’a pas le temps d’être suffisamment développée pour être cohérente, et, alors qu’elle aurait pu constituer une conclusion enrichissante, paraît finalement mal incluse dans la représentation. La finesse poétique semble avoir cédé sa place à une malheureuse volonté de faire à tout prix du « moderne », de « l’actuel », et l’on garde le sentiment âpre de se trouver soudain face à une information mal digérée, flanquée là par hasard au lieu d’être, à l’image du reste de la représentation, fine, habile, porteuse de réelles interrogations.

Cette aventure dans les méandres d’une pensée en perpétuelle construction reste néanmoins d’un grand intérêt, et l’on ne peut que saluer la force poétique et la fraîcheur d’un spectacle si simplement délicat.

Informations pratiques

Auteur(s)
Yvan Corbineau

Mise en scène
Elsa Hourcade

Avec
Yvan Corbineau et Judith Morisseau

Dates
Du 30 au 31 mai 2017

Durée
1h20

Adresse
Théâtre Berthelot
6 rue Marcelon Berthelot
93100 Montreuil

http://www.theatredelamarionnette.com